Je partage avec vous ma dernière visite au domaine du Pré Semelé, l’occasion de jeter un coup d’œil aux vignes de Sancerre en cette mi-juin.
C’est Clément, le cadet des deux frères Raimbault qui me reçoit. On se dirige tout d’abord vers le haut de La Montée de Saint-Romble, cette côte assez impressionnante, exposée nord, qui domine le village de Sury-en-Vaux et le hameau de Maimbray en particulier où sont implantés les chais du domaine.
Sury-en-Vaux depuis la côte de Saint-Romble
Ce coteau a été planté de vignes dans les années 1950, avant il était exploité pour l’élevage mais pas pour la vigne. C’est un terroir de marnes blanches du kimméridgien, pas la peine d’aller bien loin pour en trouver la preuve, les quelques cailloux en surface étant tous un concentré de petites huîtres fossilisées :
Exogyra virgula, très présente à Sury-en-Vaux (70% de ses sous-sols sont des terres blanches)
Nous mettons les pieds dans deux vieilles vignes situées tout en haut de la côte, une de pinot noir et une de sauvignon. Les deux ont été plantées par le grand-père et le grand-oncle (prénommé Camille, d’où le nom de la grande cuvée de rouge du domaine) en 1959-1960.
Les vignes sont en grande forme et parfaitement entretenues. Le domaine n’utilise plus de désherbants depuis 2015, travaille les sols sous le rang et laisse l’herbe entre rangs, pour concurrencer un peu la vigne et surtout pour permettre de passer en tracteur toute l’année, même après une pluie.
La vieille vigne de pinot qui rentre dans la cuvée Camille
C’est le début de la fleur dans le secteur, on en aperçoit quelques-unes ici où là mais ce sera la pleine fleur la semaine suivante (ce qui indique des vendanges vers le 20-25 Septembre, dans la moyenne).
Le domaine est équipé de deux tracteurs permettant de pulvériser soufre et cuivre sur tout le domaine (20 ha découpés en 65 petites parcelles) en seulement 6 heures, une réactivité maximale qui permet de passer entre les gouttes lorsque les conditions sont difficiles, bien utile en cette première quinzaine de Juin pluvieuse. Clément Raimbault m’indique d’ailleurs qu’ils ont fait un passage complet le samedi précédent.
C’est le début de la fleur sur le coteau
Les équipes du domaine sont en plein ébourgeonnage, nous ne les verrons pas car ils sont sur Les Chasseignes, un peu plus au nord sur la commune. L’autre travail en cours à la vigne est la tonte de l’herbe entre les rangs.
Nous nous dirigeons ensuite vers le coteau qui fait face à La Montée de Saint-Romble, de l’autre côté de Maimbray qui est dans la vallée.
Le hameau de Maimbray et la montée de Saint-Romble derrière
Ce coteau, exposé Sud donc, est au lieu-dit Le Cotelin. Le domaine y possède beaucoup de parcelles, en blanc comme en rouge. Les blancs sont concentrés sur la partie basse et médiane du coteau qui est là encore composé de terres blanches alors que les rouges sont implantés sur le portlandien au-dessus (caillotes plus ou moins identifiables). C’est une disposition courante dans la région puisque les calcaires du portandien, en bancs plus compacts, ont mieux résisté à l’érosion et dessinés un relief de cuesta très classique et qui se répète de nombreuses fois (la côte des Monts Damnés à Chavignol en est un autre exemple).
Pas d’huîtres dans ces cailloux calcaires, c’est du portlandien ! (les quelques silex sont certainement issus de l’érosion de couches supérieures)
Nous comptons avec Clément les « raisins » (en fait les grappes d’inflorescence à ce stade), il y en a en moyenne 8-9 par pied, ce qui donne l’espoir d’une récolte tout à fait normale à ce stade. Si certaines vignes en ont plus, le domaine fera des vendanges en vert fin Juillet.
La différence d’exposition joue à plein et la fleur est plus avancée de ce côté
Nous rentrons ensuite au domaine pour goûter les 2018, presque tous en élevage puis que seul le Sancerre blanc tradition est (partiellement) en bouteilles.
Le domaine produit 3 blancs, 2 rouges et un rosé, le blanc d’assemblage représentant 70% de la production du domaine à lui tout seul.
Je ne vous parle pas des vinifications des vins car tous les détails sont disponibles sur le site du domaine : www.rjc-raimbault.com
Ce qui me frappe dans les vins de 2018 ici, c’est la fraîcheur. Dans aucun des vins je n’ai ressenti de chaleur ou de maturité trop poussé. Au contraire toujours une trame saline et citronné dans les blancs, et de la droiture dans les rouges. Clément m’indique qu’il a commencé par récolter les rouges les 6 et 7 Septembre, puis les blancs. C’est très rare de ramasser les rouges avant les blancs à Sancerre, mais c’était visiblement le bon choix pour le domaine.
Les rouges font environ 13°5, ils ont à la fois un fruit très pur et charmeur et cette minéralité qui leur donne de l’élégance. Je les ai vraiment beaucoup aimés.
La cave d’élevage des rouges
Les blancs ont été ramassés vite à la suite (le domaine vendange à la machine la cuvée d’assemblage, ce qui lui a permis d’aller très vite pour rentrer des raisins équilibrés. Un avantage certain cette année car les maturations étaient très rapides avec la chaleur qui régnait pendant les vendanges.
Les différentes cuvées de blanc font entre 12°5 et 13°. Le blanc d’assemblage est l’archétype du Sancerre frais et fruité qu’on apprécie à l’apéritif sur les fromages de chèvres, il est très réussi (il a d’ailleurs pris la deuxième place en blanc 2018 lors de la foire aux vins de Sancerre cette année).
Les deux autres cuvées de blanc (Zeste et Les Chasseignes) sont en élevage, en partie dans des foudres Stockinger qui donnent d’excellents résultats en apportant du gras aux vins sans les dénaturer. Les vins sont déjà très bien en place, même si à ce stade l’aromatique est encore monolithique et essentiellement sur les agrumes (citron en particulier). Les fins de bouche, salines et salivantes, sont remarquables.
Clément Raimbault devant les foudres Stockinger
Voilà, j’espère que vous aurez apprécié de partager avec moi un peu de cette visite d’un très beau domaine sancerrois. Merci à Clément Raimbault pour son accueil !
Les vins en vente actuellement : Domaine du Pré Semelé