Le millésime 2016 en Beaujolais
Pour certains, 2016 et ses épisodes de grêle resteront en mémoire comme l' « annus horribilis » avec une perte de quasiment 100% de la récolte ; d'autres en revanche, à quelques kilomètres seulement des premiers, subirent certes un printemps humide mais avec au final un résultat remarquable, tant en quantité qu'en qualité. Vous l'aurez compris, 2016 n'a pas mis tout le monde sur un pied d'égalité et il sera impossible de généraliser...
La vigne en 2016
L'hiver 2015-2016 a été particulièrement doux et humide. Seul le mois de Mars présente des températures inférieures aux normales, ce qui a eu pour effet de maintenir les vignes en dormance jusque début Avril. S'en suivirent 3 semaines de douceur qui réveillèrent les plantes pour un débourrement légèrement tardif (retard d'une dizaine de jours), autour du 20 Avril. A noter un premier épisode de grêle le 13 Avril qui fut dévastateur en Mâconnais, y arrachant les bourgeons à peine ouverts, mais n'endommageant que 150 ha de vignes du Beaujolais, sur la commune de Juliénas.
La fin du mois a été marquée par une importante chute du mercure et le retour de gelées assez fortes. Ces gelées qui eurent des conséquences désastreuses dans de nombreux vignobles français, n'ont que très peu affecté le Beaujolais, surtout dans la zone des crus où aucune perte significative n'est à imputer à cet épisode de froid.
Avec un ensoleillement assez médiocre et des températures qui ont alterné entre fraîcheur et douceur, le mois de mai a principalement été marqué par de fréquents passages pluvieux (15 jours de pluie sur le mois). Les vignerons ont donc dû être très présents dans les vignes, surtout pour juguler l'arrivée des maladies cryptogamiques dans ces conditions particulièrement défavorables.
Jusqu'au 27 Mai, ce n'était pas la panacée mais tout allait encore bien et on pouvait se dire que le Beaujolais avait bien de la chance par rapport aux autres régions viticoles. Ça n'a pas duré... De violents épisodes orageux traversèrent alors la région et dans la nuit du 27 au 28 Mai, la grêle fit une première grosse apparition sur les communes de Morgon, Fleurie et Chiroubles (commune la plus touchée), occasionnant des dégâts énormes sur son passage. Pour les parcelles situées au cœur du couloir de grêle, plus de feuillage et une récolte déjà détruite.
Etat de vignes le 16 Juin, 3 semaines après le 1er épisode de grêle (Fleurie, climat Grand Pré)
Terrible constat donc pour les vignerons touchés par ce coup du ciel. 1500 hectares de vignes touchées, dont 650 hectares détruits à plus de 75%.
Avec 12 jours de pluie et des températures douces, le mois de Juin n'aide pas à cicatriser les plaies et même les vignerons épargnés par la grêle doivent travailler d'arrache-pied pour contenir le développement du mildiou. Les vignerons n'utilisant que des produits de contact (soufre et cuivre) passent et repassent dans leurs vignes, presque 1 fois par semaine pour éviter l'installation et la progression des champignons présents sur feuilles mais aussi beaucoup sur grappes cette année (ce qui est inhabituel).
Attaque de mildiou sur feuilles et sur grappes (16/06/16 à Lantignié)
Loin de s'améliorer, la situation empire encore avec un second épisode de grêle qui survient le 24 Juin. Passant sur les traces du précédent en accentuant les premiers dégâts et en élargissant la surface impactée, il touche 2300 ha de vignes dont 1000 sont détruites à plus de 75%, sur les communes de Régnié, Morgon, Chiroubles, Fleurie et Moulin-à-Vent. Et même là où il ne tombe « que » de l'eau, les pluies sont si fortes que de grandes quantités de terres sont emportées en bas des vignes, ce qui obligera les vignerons à de pénibles travaux de remontage de terre et de réparation des chemins.
La floraison se déroule dans la deuxième quinzaine de Juin, et se passe très bien là où les orages furent moins violents. Elle est assez courte, ce qui est un gage d'homogénéité intéressant pour la maturation des baies.
A la sortie de ces 2 mois chaotiques et humides, on a donc des situations très hétérogènes selon les secteurs et selon la vigilance et les efforts consentis par les vignerons. Le mois de Juillet verra la situation s'améliorer petit à petit avec l'installation d'un temps véritablement estival au fil des semaines. L'ensoleillement qui devient le paramètre le plus important à ce stade, est bon (+10% / moyenne) et les pluies cessent enfin après un dernier épisode sérieux les 21/22 Juillet.
Le mois d'Août va remettre les choses en ordre avec un temps particulièrement beau (+30% d'ensoleillement / moyenne), assez sec et sans épisode caniculaire (aucune nuit > 20°C). Un temps absolument parfait pour la santé des vignes et pour la maturation des baies ; la véraison se déroule entre la fin Juillet dans les secteurs précoces et le 15 Août pour les plus tardifs.
Si on est rassuré à ce stade, aucun vigneron ne se hâte à des pronostics car fin Août, il reste encore 3 semaines avant les vendanges (le cycle a conservé un retard d'une dizaine de jours sur une année moyenne et 3 semaines de retard sur 2015). Fort heureusement, la fin de saison est parfaite dans l'exacte continuité du mois d'Août, avec un peu plus de fraîcheur bien entendu mais pas tellement (3ème mois de septembre le plus chaud depuis 1900).
Les vendanges peuvent commencer entre le 15 et le 20 septembre selon les secteurs, et se déroulent dans d'excellentes conditions, le temps beau est très stable et permet d'attendre tranquillement les justes maturités... sauf là où les vignes sont surchargées qui ne mûrissent pas ; car 2016 était programmé pour produire beaucoup de raisins, sans doute une réaction naturelle de la vigne au stress hydrique subit en 2015 et qui avait vu les rendements fondre au fil des jours. En 2016, certaines vignes portent beaucoup trop de fruits. Sans qu'on puisse réellement connaître les rendements exacts (les vignerons admettent difficilement qu'ils ont dépassé les rendements autorisés), on peut avancer sans aucun doute que des rendements de 80 hl/ha ont été atteints voire dépassés, en particulier dans le sud du Beaujolais et dans le sud des crus (Brouilly notamment).
En 2016, il y a donc ceux qui n'ont rien pu faire, ceux qui ont trop produit... Et ceux bien sûr qui se situent entre ces 2 extrêmes. Pour ces derniers, le potentiel qualitatif est heureusement excellent !
Qualité de la vendange 2016
Vendange de la Cuvée Les Impénitents, célèbre Morgon du domaine L-C. Desvignes
La grêle étant tombé très tôt, avant formation des raisins, la qualité des baies n'est absolument pas impactée. De la même façon, le mildiou constaté sur grappes a diminué parfois la quantité (les grappes sèchent et tombent) mais n'ont eu aucune incidence sur la qualité. Ajoutons que la vigne étant d'une robustesse exceptionnelle, elle a réagi très rapidement à la perte d'une partie de son feuillage en produisant rapidement un nouveau feuillage parfaitement fonctionnel pour la maturation des raisins.
Le seul hic, dans les zones grêlées, est la proportion importante de rafle par rapport au nombre de baies, obligeant les adeptes de la vendange entière à égrapper une partie ou la totalité de la vendange pour compenser. En dehors de cela, la qualité des baies est excellente, les maturités phénoliques et alcooliques sont atteintes sans difficulté (entre 12 et 13°5 naturellement partout, sauf sur les vignes surchargées évidemment) et les acidités sont parfaites. L'équilibre des moûts est donc idéale.
Les vins
Pour toutes les raisons évoquées précédemment, il est impossible de dresser un portrait général des vins du Beaujolais sur ce millésime 2016. On peut simplement dire qu'ils auront tous gardé de la fraîcheur et les premières dégustations montrent qu'ils possèdent également beaucoup de fruit. En cela ils se rapprochent des 2014 et à l'instar de ces derniers, beaucoup apporteront du plaisir dans leurs premières années.
On trouvera également des vins concentrés et structurés, qui n'ont rien à envier aux 2015, mais ils seront évidemment moins légion cette année. On les trouve dans les zones partiellement impactées par la grêle lorsque les rendements ont été réduits en-dessous de 35 hl/ha, ou bien chez les vignerons dont les méthodes culturales et/ou l'âge du vignoble donnent des rendements naturellement bas. Il y a quelques grands vins en Beaujolais en 2016.
Dossier mis à jour le 11/04/2017.