Le millésime 2018 en Beaujolais
Après deux millésimes très hétérogènes en raison des calamités climatiques (grêle), 2018 est le millésime tant espéré par tous les vignerons, un millésime qui réunit qualité et quantité à des niveaux très élevés (parfois trop pour les quantités). Les conditions météorologiques de l’été ont été quasi-idéales.
La vigne en 2018
La chance de 2018 se situe premièrement dans l’hiver précédent le cycle végétatif. De Décembre à Mars, il y a environ 450 mm de précipitations, ce qui est le double de la normale. Cela a permis aux sols de stocker l’eau avant le débourrement, ce qui se révéla fort utile pour la suite. Mars finissant froid, il faut attendre les premiers jours d’Avril et une remontée des températures pour que la vigne reprenne son activité. La plupart des vignes débourrent autour du 20 Avril, avec une semaine de retard sur la moyenne des 20 dernières années. Les températures se maintiennent hautes jusqu’à fin Avril et la pousse est explosive, le retard au débourrement est déjà repris début Mai.
Le mois de Mai est globalement doux et peu humide (moins qu’ailleurs), ce qui fait que la vigne pousse vite et sans pression cryptogamique particulière et prends désormais beaucoup d’avance. Les premières fleurs apparaissent autour du 25 Mai et la floraison se termine vite (6 jours en moyenne), dans les premiers jours de Juin. On a alors rattrapé voire légèrement dépassé 2015 et 2017 en termes de précocité.
Les premières fleurs apparaissent entre le 20 et le 25 Mai, après une pousse explosive
Tous les voyants sont au vert, le nombre de grappes par cep est élevé et la promesse d’un millésime généreux se dessine, sauf catastrophes climatiques… qui n’auront pas lieu.
La première quinzaine de Juin apporte de la pluie en quantité, ce qui permet aux vignes de développer un feuillage bien fonctionnel et de tenir presque tout l’été, car il ne pleuvra quasiment plus entre le 12 Juin et le 6 Août ; grâce à l’arrêt des pluies mi-Juin, il n’y a quasiment pas d’attaques de mildiou, contrairement à beaucoup d’autres régions qui souffrent terriblement.
Grappe de gamay le 19 Juin 2018, le millésime est marqué un cycle végétatif d’une rare rapidité
Le réchauffement climatique ne se dément pas avec un été chaud et très ensoleillé (année la plus chaude du 21ème siècle et la deuxième après 2011 en terme d’insolation). Les températures sont toutefois rarement caniculaires (un seul épisode de quelques jours entre le 2 et le 6 Août). Après 2016 et 2017, les vignerons ont des craintes à chaque fois que le ciel se couvre mais cette année est la bonne, il n’y a aucun orage de grêle. Mais de pluie oui et juste quand il le faut (30 mm entre le 7 et le 9 Août), pour apporter aux sols superficiels l’eau nécessaire à l’équilibre de la vigne et à la bonne maturation des baies.
Qualité de la vendange 2018
Les 20 derniers jours avant les vendanges sont beaux, chauds et secs, et logiquement marqués par une maturation rapide des raisins ; les teneurs en acide malique diminuent fortement, néanmoins, les teneurs en acide tartrique se maintiennent, permettant aux raisins de conserver un bon équilibre.
La qualité sanitaire des raisins est excellente (ici chez Daniel Bouland)
Les vendanges débutent en Août, ce qui devient une habitude, avec un ban fixé au 27/08. Il pleut très peu dans les 3 semaines de vendange et les températures restent chaudes, avec des maximales entre 24 et 32°, ce qui accélère la maturité des raisins et complique la tâche des vignerons pour ramasser chaque parcelle en temps et en heure (ce qui s’avère concrètement quasi-impossible sauf pour les domaines qui ont des secteurs aux maturités très étalées)
Ainsi, le millésime 2018 se caractérise par sa précocité, son volume généreux et la très belle qualité de ses raisins, avec toutefois des risques de surmaturité ici ou là.
Les vignerons (ici Alain Coudert), ont le sourire à l’encuvage, les cuves sont souvent pleines !
Les vinifications sont toutefois compliquées du fait des acidités basses, comme en 2015 et en 2017. L’apparition de brettanomyces est courante et les sucres sont souvent longs à se finir, certaines fermentations s’étirant jusque fin octobre, voire plus.
Les vins de 2018
2018 est donc un millésime qui n’a pas fait de jaloux, et a redonné le sourire à l’ensemble des vignerons, quelle que soit leur appellation.
La première qualité des vins cette année, c’est indéniablement le fruit, le même fruit charmeur qu’en 2009 ou 2015 (parfois aussi 2017). Les vins sont très expressifs, les parfums de fruit mûr enivrants séduisent au premier coup de nez. Au-delà de ce fruit, c’est une lapalissade mais le terroir et le vigneron font la différence. Certains ont un peu vite crié au millésime exceptionnel, à un remake de 2015. Et ceux-là ont eu tort, en tout cas si on prend l’ensemble de la production. Car il y a d’indéniables réussites, et même des domaines où on a fait meilleur qu’en 2015, mais il y a aussi beaucoup de domaines où quelques imperfections n’ont pu être évitées ; déséquilibres (alcool, manque d’acidité), dilution ou défauts œnologiques gâchent parfois la fête…
Je ne crois pas qu’il y ait d’appellations à mettre en avant, en tout cas je n’en vois pas à ce stade. Les secteurs où les rendements ont été maîtrisés (jusqu’à 50-55 hl/ha, on pouvait faire de grands vins en 2018) et où les terroirs ont régulé les excès de la maturité, il y a un potentiel pour faire de très grands vins. Potentiel qui, comme toujours, ne devient une réalité que lorsque le vigneron a su interpréter le millésime en cave en conduisant une vinification adaptée.