De retour de cette fantastique manifestation, je ne sais pas très bien par quel bout commencer pour vous en faire vivre le riche contenu.
Pour la première fois sur 3 sites et sur 3 jours, les conditions étaient parfaites pour les visiteurs et ont permis de goûter les vins sereinement. Les dégustations étaient principalement basées sur les 2015 et 2016 selon les disponibilités des domaines. Comme l'an dernier, plutôt que de vous donner mes impressions à chaque stand, je vais vous faire part de mes impressions générales sur ces 2 millésimes et partager mes coups de cœur (et déceptions également).
A tout seigneur tout honneur !
Les 2015 se font tout de même rares désormais chez les vignerons en raison d'une demande qui a explosé sur ce millésime.
Dans la salle de la Biojolaise, la production est pour moi clairement dominée par les vins des frères Thillardon, avec un Chénas Chassignol 2015 d'une plénitude et d'une minéralité saisissante, et un Chénas Les Blémonts 2015 plus rond sur les fruits noirs, avec moins d'allant mais plus de gourmandise. Curieux de goûter l'évolution de ces vins désormais vinifiés en macération carbonique mais qui conservent une profondeur et une belle marque de leur origine. Après un flottement entre 2013 et 2014, le domaine me semble sur de bons rails désormais.
L'autre vin qui m'a beaucoup plu, avec une ressemblance d'ailleurs intéressante (avec Chassignol), c'est le Juliénas Vayolette 2015 de Louis-Clément David (domaine David-Beaupère), un terroir récemment acquis et qui produit là un vin de grande classe, plus minéral et plus dynamique que ceux de La Bottière. Très beau vin qui arrivera chez Beaujoloire dans quelques semaines.
Chez les Beaujol'Art, les 2015 les plus aboutis se trouvent clairement au château Thivin et chez Eric Janin (domaine Paul Janin & Fils). Des vins profonds et suaves qui savent garder leur côté sérieux en second plan, tant le fruit est présent... à part peut-être le Moulin-à-Vent Les Greneriers 2015 dont la puissance est impressionnante. Matthieu Mélinand (Domaine des Marrans) sort tout juste ses 2015 ; fidèle à ses habitudes, lui conserve le côté sérieux au premier plan ! Des vins construits pour durer et clairement pas pour se faire plaisir de suite. Cela vaut pour les Fleurie et Morgon mais aussi pour le Chiroubles qui est un ovni pour l'appellation (je défie quiconque de placer ce vin en Chiroubles). Les équilibres sont excellents, notamment grâce à leurs tanins fermes qui tiennent la fin de bouche. Un 2009 goûté en off montre que la patience paye avec ces vins. Matthieu n'a pas le monopole des vins structurés, puisque les Morgon 2015 de Mee Godard n'ont rien à leur envier de ce côté-là. Il faudra être (très) patient pour qu'ils se délient et livrent un message moins rigide. Au domaine de Fa, la dégustation des différentes cuvées les unes à côté des autres montrent clairement que le super rapport qualité/prix est là, en l'occurrence le Beaujolais En Besset 2015 ; il n'a rien à envier aux Fleurie et Saint-Amour du domaine et à bien d'autres crus d'ailleurs, mais coûte beaucoup moins cher. Un des musts de la région pour ceux qui ne s'arrêtent pas à l'appellation/étiquette !
Chez Nicolas Chemarin, on en a aussi pour son argent... si mon vin préféré reste toujours le Beaujolais-Villages Le Rocher qui n'est certes pas donné, l'autre Beaujolais-Villages, Vignes de Jeannot est une affaire sensationnelle aux environs de 10 euros. Et si 2015 a un fort potentiel, je préfère personnellement 2014 chez ce vigneron qui a vraiment transcendé ce millésime (je pense qu'il a d'ailleurs produit les plus grands Beaujolais-Villages de l'année).
A la Beaujoloise, beaucoup de 2016 présentés et presque plus rien sur 2015... sauf chez Jean Foillard. Malgré la production importante du domaine, je vous conseille de ne pas trop attendre pour vos achats car c'est très bon d'une part et ça part très vite d'autre part. Le Morgon Classique et le Morgon Corcelette sont déjà épuisés au domaine, 2 mois après leur sortie. Un succès mérité pour ce domaine qui est longtemps resté dans l'ombre du domaine Lapierre mais qui est plébiscité ces dernières années.
Millésime compliqué pour bien des vignerons qui ont perdu tout ou partie de leur récolte (voir description du millésime) et qui souvent, ont dû acheter des raisins pour produire quelque chose et passer le cap. Pas surprenant dès lors qu'il y ait quelques différences par rapport à ce qu'on a l'habitude de goûter chez eux, et parfois même des ratés.
Parmi les vignerons les plus touchés, les fleuriatons. Le peu de Fleurie présentés à la Biojolaise étaient de qualités variables. Greta Carbo 2016 est parfaitement réussi chez Marc Delienne (moins touché il faut dire), je le préfère au 2015 par sa fraîcheur d'arômes et sa tonicité. Chez Jean-Louis Dutraive, la cuvée de négoce de Fleurie (non bio) est certes dans le style domaine, un vin glouglou comme il sait les faire, mais il manque de folie. Mention spéciale pour son interprétation du Chénas En Papolet 2016 (achat de raisins du domaine Thillardon donc bio) qui est quant à lui une très belle réussite, bien au-dessus du Fleurie de par sa profondeur et son éclat de fruit. Déception au stand de Yann Bertrand (domaine Les Bertrand) où aucun vin ne m'a convaincu, qu'il soit du domaine ou d'achats de raisins ; je n'en tirerai pas de conclusions compte-tenu des circonstances du millésime, et on repassera l'an prochain pour voir si les espoirs que placent beaucoup de gens dans ce domaine se justifient ou non.
A la Biojolaise toujours, une découverte intéressante avec le tout récent domaine des Capréoles de Cédric Lecareux, des vins réalisés sur la commune de Lantignié (Beaujolais-Villages et Régnié) avec un grand respect de l'expression de chaque terroir, de la concentration et de la fraîcheur. J'attends toutefois une meilleure définition du fruit et plus de gourmandise à l'avenir mais c'est un bon départ.
Chez les Beaujol'Art, les Morgon 2016 du domaine Desvignes me semblent partis pour faire de grands vins : fruit, concentration et équilibre sont au rendez-vous, à l'instar de ceux de Daniel Bouland (qui n'est pas à la manifestation) mais qui me semblent au même niveau. 2 achats prioritaires dans ce millésime.
Chez Richard Rottiers et Alain Coudert, on a « sauvé les meubles ». Richard Rottiers produit un Moulin-à-Vent Foudres 2016 de négoce plus que correct, qui sera prêt plus rapidement que d'habitude et un Moulin-à-Vent Domaine rassemblant toutes les vignes (notamment Champ de Cour moins touché) ; ce dernier est très réussi, avec une belle assise tanique et une parfaite définition de fruit. Très heureux pour lui qui a été tant meurtri, et dommage qu'il n'y en ait que 4 000 bouteilles... Alain Coudert nous propose un Fleurie Clos de la Roilette 2016 (comprenant une partie d'achats de raisins) plus souple que d'habitude, mais très franc. L'écart avec la cuvée Tardive, très concentrée, est évident à la dégustation, ce qui n'était pas toujours le cas sur les derniers millésimes. Toutes ces cuvées vont arriver en Mai/Juin.
Beaucoup de 2016 à la Beaujoloise et une vraie bonne surprise avec des vins peu ou pas protégés bien mieux maîtrisés qu'en 2015. L'équilibre naturel des moûts était sans doute plus propice à produire des vins sans sulfites et sans défauts ! Le Morgon 2016 du domaine Lapierre offre tout ce qu'on attend des vins du domaine avec une pureté de fruit qui a parfois fait défaut sur 2014 ou 2015 (variabilité notable selon les lots). Un vin éclatant, frais et subtil que j'ai beaucoup apprécié. Les Lapalu, Breton et autre Thévenet ne sont pas en reste et on aura donc de bons canons à boire sur 2016 !
Pierre-Marie Chermette (domaine du Vissoux) présentait lui aussi ses 2016, ils sont en tous points conformes à ce qu'on peut en attendre, avec une rondeur de tanins et une fraîcheur d'arômes parfaitement représentatives du Beaujolais. La régularité des vins de ce domaine est sans failles ! Le jour où vous vous ne voulez pas vous « prendre la tête », prenez une bouteille du Vissoux je vous le dis. Quel que soit le millésime, c'est l'assurance d'un bon moment.
A chaque fois que je goûte un (bon) Beaujolais de 15/20 ans, c'est comme une évidence.
Cédric Chignard a eu la gentillesse de nous faire goûter son Fleurie Cuvée Spéciale dans les millésimes 1995 et 2000, magnifiques tous les deux. Alain Coudert a quant à ouvert son Fleurie Cuvée Tardive dans les millésimes 2005 et 2000, si le premier était encore trop jeune, le second était sublime et se comparait sans problème à bien des Bourgogne de grand pedigree. D'ailleurs nous l'avons goûté en compagnie de François Parent du domaine A-F. Gros qui était du même avis, lui qui vient d'acheter une parcelle de Moulin-à-Vent qui jouxte le Clos de la Roilette...
Beaucoup d'autres bouteilles goûtés sur des millésimes de la dernière décennie, avec des évolutions intéressantes, mais chez les meilleurs, on sent que c'est vraiment à partir de 12/15 ans de garde que les vins s'épanouissent véritablement. Et je repense à mon passage en Février chez Jean-Marc Burgaud, où j'avais goûté son 1er millésime de Morgon Côte du Py, 1992, une toute petite année et pourtant, quelle finesse, quelle plaisir de tremper ses lèvres dans ce vin de 25 ans.
Le plus vieux vin goûté le soir à BBB était un 1969 produit par le grand-père de Julien Duport. Et à défaut d'être grand, il se tenait encore remarquablement bien.
On ne le dira jamais assez, faites vieillir en cave les grands Beaujolais ! Quel dommage de boire ces vins trop tôt...