Jean-Claude Lapalu : quel personnage et quels vins ! (04/06/15)


Voici un vigneron emblématique du Beaujolais qu'il me tardait de rencontrer tranquillement au domaine pour faire plus ample connaissance et découvrir ce qui se cache derrière ses vins. Je n'ai pas été déçu !

On commence par discuter d'un peu de tout et avant de parler des vins, je vous livre ici son point de vus sur quelques sujets qui sont venus dans cette discussion.

De l'image actuelle du Beaujolais :

Le beaujolais a mauvais image dans son ensemble auprès du grand public mais les prescripteurs sont plutôt favorables. Les clients ne sont pas encore convertis mais les cavistes et les restaurateurs sont sûrs de la qualité et en proposent de plus en plus. Les journalistes et les critiques sont très optimistes également.

De l'influence de Robert Parker :

Je ne vais pas me plaindre, Parker m'a toujours mis des bonnes notes... Je ne leur ai jamais proposé de vins, je n'envoie pas d'échantillon... mais ils ont toujours réussi à en avoir. Une de mes fiertés c'est quand il est venu à Villefranche goûter plus de 300 échantillons, et constatant que mes vins n'y étaient pas, il a changé son programme pour venir au domaine ! Et il s'est passé presque la même chose avec Jancis Robinson quelques temps après.

Du Label bio :

Je me suis mis au bio au départ pour sauver mes levures. On sait que les produits chimiques détruisent une grande partie de la flore des raisins. Je me suis fait certifier plus tard, mais si je ne l'indique pas, c'est par fierté ! Je veux qu'on continue à m'acheter du vin, pas un label ! Il y a tellement de bios qui font des vins technologiques, chauffés, levurés, soufrés à mort... La majorité des bios du Beaujolais font ça pour le tampon, ils vendent un logo...

Des vins nature :

Aujourd'hui il y a beaucoup de jeunes qui se lancent là-dedans, c'est à la mode de ne pas toucher au vin... C'est vrai que c'est facile de faire du sans soufre... Il suffit de ne pas en mettre ! Ils font tous du « sans soufre » mais il y a plein de trucs imbuvables. En nature, il y a des vins tordus et des vins droits. Je sais aujourd'hui qu'on peut faire des vins droits en nature. Le vin, il faut avoir plaisir à le boire. Et il faut d'abord qu'il soit droit. Il y a des mecs qui me disaient « C'est trop droit pour être nature ». Je leur réponds #&$@ !

 

Ces quelques mises au point faites, passons à quelques informations sur le domaine :

Jean-Claude Lapalu s'est installé en 1996 (il était coopérateur avant). Son domaine compte aujourd'hui 9 ha qu'il complète par des achats de raisins. La viticulture est bio donc, et les vinifications naturelles (sans soufre). Du soufre est ajouté à 10 mg/l à la mise sur les cuvées principales, mais certains vins n'en ont pas du tout lorsque c'est possible. La plupart des vignes sont situées autour du domaine à Saint-Etienne-La-Varenne, la commune la plus au sud portant des crus, Brouilly en l'occurrence. Les sols y sont minces (30-40 cm) sur la roche granitique. Les limites de l'appellation Brouilly sont purement administratives sur la commune et J-C Lapalu produits des Beaujolais-Villages et des Brouilly séparés de quelques centaines de mètres sur un terroir identique. il y a aussi une parcelle en Côte-de-Brouilly (au nord du Mont Brouilly) qui est sur un terroir très différent (Cailloux en surface, argiles en-dessous).

 

Les vinifications et les vins :

Beaujolais blanc 2014 : achat de raisins sur la commune de Quincié (terroir argilo-limoneux) en bas de coteau. Vin vif, immédiat, assez ouvert mais présentant il me semble une petite note d'acétate. Bouche fluide et fraîche qui se tient. Je ne suis pas totalement convaincu.

Beaujolais-Villages Vieilles Vignes 2014 : Cuvée d'assemblage. Cueillette en cagettes. Stockage dans un local rafraîchie à 10° jusqu'au lendemain matin. Encuvage vers 10°C donc, peu de montée en température (18/20°C maxi) en raison de la macération principalement intracellulaire (très peu de jus). 2 semaines de macération carbonique "pure". Utilisation d'un pressoir à table vertical très doux, il faut 24 heures pour faire une presse. Cuve tampon réfrigérée à 15°. Le vin se décharge de ses plus grosses lies et finit ses fermentations alcoolique et malolactique. Il est ensuite assemblé en début d'année et stocké en cuve inox (100%). Mise en bouteilles fin Mars. 10 mg/l de soufre. Dégustation : le vin est très ouvert, il y a beaucoup de fruit. La bouche est de demi-corps, avec une texture soyeuse, elle est parfaitement équilibrée et droite. Ca glisse tout seul, c'est un super canon !

Brouilly Vieilles Vignes 2014 : Cuvée d'assemblage. Vinification et élevage identiques au Beaujolais-Villages VV. Dégustation : Plus rond et légèrement plus dense que le BV avec un fruit superlatif (une bombe !) et un équilibre parfait. C'est difficile de recracher...

Côte-de-Brouilly 2013 Cuvée parcellaire. 80% grappes entières et 20% égrappé. Macération de 18/20 jours avec des remontages « à la demande » (en fonction de la cuve tous les 2/3 jours) plus des pigeages en fin de cuvaison. Elevages en barriques après presse jusqu'en Juillet. 10 mg/l de soufre à la mise. Dégustation : on change tout, le vin est plus structuré, moins disert, très frais et minéral avec une finale encore un peu serrée. On sent toutefois un fruit mûr mais plus frais. Vin à boire à table qui se bonifiera quelques années. J-C Lapalu indique que le 2007 (petit millésime) se boit bien en ce moment.

 

Autres cuvées (non dégustées car épuisées en 2013 et pas encore en bouteilles pour 2014) :

Brouilly La Croix des Rameaux : Parcelle à l'Ouest du village avec une exposition Sud-Ouest. Cuvée de garde. Même protocole de vinification et d'élevage que le Côte-de-Brouilly.

Brouilly Cuvée des Fous : Parcellaire (70 ares). Vignes plantées en 1900. En superbe état mais rendements faibles. Macération 100% en grappes entières. Vinification sans rafraîchir au préalable. Cueillette le matin, mise en cuve à 14/16 °C. Un peu plus d'extraction. Mise sans soufre quand c'est possible.

Beaujolais-Villages Le Rang du merle 2013 : Raisins cueillis en surmaturité environ 3 semaines après les vendanges sur une parcelle complète (pas de premier passage). 22/23 Octobre en 2013 (8 pièces produites). C'est plus délicat à vinifier car c'est riche et moins acide. Compliqué les années chaudes (17° potentiels en 2011, il a fallu le « couper » avec une parcelle très tardive à 12°5). Mise sans soufre quand c'est possible.

il existe encore d'autres cuvées plus confidentielles mais nous n'avons pas eu le temps d'en parler. La prochaine fois peut-être...