Bien qu'aillant déjà goûté beaucoup de crus sur le millésime 2015 ici et là, j'ai gardé jusqu'ici mes impressions pour moi car il était bien tôt et les conditions de dégustation ne permettaient pas de se faire une idée suffisamment claire (échantillons froids et/ou réduits et/ou gazeux).
Mais lorsque j'ai été invité ce 19 Janvier à goûter 2015 chez Daniel Bouland dans de très bonnes conditions (échantillons tirés la veille, mis à température et aérés), j'ai pu me faire une idée précise des vins. Et disons-le tout de go, celle-ci est très positive !
En préambule, Daniel me donne quelques indications sur les vendanges, débutées le 29/08 sous la chaleur et par le vent du Sud qui a réduit notablement des rendements déjà limités par la sécheresse estivale. La moyenne de la cave se situe à 35 hl/ha (contre 50 hl/ha environ pour une année pleine comme 2014). Les degrés alcooliques se situent autour de 14° et les acidités sont bonnes, bien meilleurs qu'on pouvait le craindre (au-dessus de 4 g d'acidité totale).
Les vinifications ont été délicates compte-tenu de la richesse des moûts avec des fins de fermentation longues sur certains lots (une cuve s'est d'ailleurs arrêtée avec 2 g/l de sucres résiduels) et des fermentations malolactiques qui ont eu du mal à démarrer. Mais Daniel qui est très attentif et expérimenté, a fait faire beaucoup d'analyses pour suivre au plus près ses cuves et intervenir lorsque c'était nécessaire.
Nous commençons la dégustation comme toujours par le Chiroubles, puis le Côte-de-Brouilly et ensuite les Morgon, par lots, en terminant par les Vieilles Vignes.
Chiroubles Chatenay 2015 : Beaucoup de couleur (ce sera une constante du millésime), nez bien ouvert sur les fruits rouges frais et de légères notes de cassis frais. Entrée en bouche gourmande, suave et très fruitée. Le vin se développe avec un milieu de bouche de demi-corps et des tanins souples qui le rendent déjà très facile ; le fruit se prolonge, bien porté par une trame acide juste, et la fin de bouche est très croquante et salivante. Moins gras mais plus énergique que le 2009 (qui était plus mûr), il est une petite merveille d'équilibre et de friandise.
Côte-de-Brouilly Cuvée Mélanie 2015 : On perçoit dès le premier nez qu'il sera moins aguicheur. Plus strict avec des notes de mine de crayon, de menthol et un peu de mûre, il faut aller le chercher. En bouche, les tanins sont bien plus présents et maintiennent un ensemble encore strict même si le toucher de bouche est superbe. Il y a beaucoup de fraîcheur et d'intensité, mais il est sur la réserve à ce stade et n'offre pas la gourmandise du Chiroubles. Tout est là pour faire un excellent vin... de garde.
Morgon Corcelette 2015 (synthèse de différents lots) : Nez fruité (fruits noirs) et réglissé avec là encore du menthol, il est frais et distingué. En bouche, le vin se présente tout de suite large et soyeux, débordant de vitalité. Les tanins sont présents mais remarquablement enrobés, ils dynamisent un ensemble distingué et convaincant tant par la qualité de fruit que par l'équilibre qui s'en dégage. La finale est légèrement astringente avec un support végétal qui se montre bien présent et une fine amertume. Très réussi.
Morgon Vieilles Vignes 2015 (environ 5000 bouteilles cette année) : C'est cette cuvée qui a 2 g/l de sucres résiduels. Nez logiquement similaire au Corcelette quoique plus minéral avec beaucoup d'intensité. Attaque en bouche précise, puissante, dynamique qui met tous les sens en éveil. La densité est impressionnante, mais avec beaucoup de classe. On ne ressent pas les sucres résiduels en tant que tel mais ils apportent un léger supplément de gras qui enrobe des tanins denses et élégants. A ce stade, la texture prend le pas sur le goût et l'ensemble est serré. La finale est une nouvelle fois marquée par le support végétal et une légère amertume, elle est fraîche et longue. Un vin à l'avenir radieux mais il faudra être patient. Il me rappelle le 2011 en plus concentré.
Daniel Bouland a réussi un grand millésime 2015, les vins sont pas tombés dans la surmaturité, ils sont particulièrement bien construits avec des bouches denses, rectilignes et dynamiques. Il y a du fruit, plus ou moins expressif à ce stade selon les terroirs, mais il est bien là, il sera enfermé dans la bouteille et ne demandera qu'à s'épanouir le moment venu. En fait, je n'ai rien à reprocher à ces vins qui sont, me semble-t-il, d'une grande justesse et d'un formidable équilibre pour ce millésime solaire.
2009 était sans doute plus charmeur et démonstratif à ce stade précoce, mais il est bien tôt pour faire une comparaison plus précise. L'avenir nous apportera d'autres éléments de différenciation de ces 2 grands millésimes. Je m'en réjouis d'avance !