Richard Rottiers
Richard Rottiers est un vigneron formidable, je lui ai cherché des qualités, il y en avait trop, je lui ai alors cherché un défaut... Et je n'en ai pas trouvé ! Sur les terres de Moulin-à-Vent, il représente assurément l'avenir ; avec un travail pointu à la vigne et des vinifications traditionnelles, il exprime au mieux les terroirs de Romanèche-Thorins tout comme Eric Janin dont il s'est d'ailleurs largement inspiré. Quand on goûte son merveilleux Champ de Cour, on rêve de voir un jour ce jeune homme exercer sur les plus grands terroirs de Moulin-à-Vent, un peu plus haut sur la colline.
- Le domaine :
Originaire de Chablis où sa mère dirige un domaine viticole, Richard s'est « expatrié » pour des raisons familiales, sa femme étant originaire des Monts du Lyonnais et travaillant à Lyon. Il fût tout d'abord salarié au Château Thivin puis chercha à s'installer sur Moulin-à-Vent dont il appréciait particulièrement les vins. Ce fût chose faite en 2007, lorsque aiguillé par Eric Janin il put reprendre 3 ha en fermage sur cette appellation.
Il s'installa alors à La Sambinerie, tout près de ses parcelles, et démarra son activité par 2 millésimes délicats, 2007 et 2008... Bon, de toute façon il était alors inconnu et il aurait été difficile de vendre en bouteilles donc ces 2 premiers millésimes furent largement vendus en vrac aux négociants (avec l'avantage d'avoir du volume sur ces 2 années).
Les millésimes suivants furent de meilleurs augures, ce qui lui permit de démarrer la vente en bouteilles et aujourd'hui tout est embouteillé au domaine. Animé par le respect de la nature, il transforma petit à petit toute son exploitation en bio, en prenant son temps car il lui fallut apprivoiser ses terroirs ; la conversion a débuté officiellement en 2012 et la certification interviendra donc en 2015.
Aujourd'hui, après avoir repris quelques vignes supplémentaires, toujours en fermage, le domaine compte 5 ha (en plus de 20 parcelles) ; toutes les vignes sont près de Romanèche-Thorins en bas de côte, à 200 m d'altitude environ. Les vignes sont âgées (moyenne d'âge supérieure à 60 ans) et sont donc conduites en gobelet traditionnel.
Les vignes sont toutes proches de Romanèche-Thorins
Désormais reconnu pour la qualité de ses vins, Richard Rottiers vend bien, notamment à l'export où il réalise 60% de ses ventes.
- Les terroirs :
Le meilleur terroir exploité par Richard est sans aucun doute Champ de Cour, au cœur de l'appellation sous le moulin à vent de Thorins. Il en exploite 1 ha en 5 petits morceaux. Avec ses sols profonds (1,50 à 2 m), argileux avec peu de cailloux, ce coteau en pente faible exposé au Sud (il regarde La Roilette) est historiquement répertorié parmi les plus intéressants du secteur. Plantées entre les deux guerres à 11 000 pieds/hectare, les vieilles vignes en gobelet produisent peu de raisins (35 hl/ha les meilleures années), mais la qualité est toujours là, avec des vins charpentés et tanniques taillés pour la garde.
Champ de Cour en pente douce vers le sud
C'est à La Teppe que se trouve la plus grande parcelle du domaine, 80 ares. Jouxtant le cimetière de Romanèche-Thorins, cette parcelle est vinifiée séparément et donne la cuvée nommée Le Dernier Souffle. Cultivée en bio depuis ses débuts en 2007, ce terrain sableux très pauvre (roche à 1m de profondeur) retrouve tout doucement une vie microbiologique. Les vieilles vignes (65 ans) n'y donnent pas non plus beaucoup de raisins (35 hl/ha moyen). Les vins sont droits et austères.
2 autres parcelles (40 ares) se situent à côté des vignes d'Éric Janin sur Les Burdelines. Avec une partie jeune (25 ans) et une partie de 65 ans, c'est un bon terroir de gore classique avec ici un peu plus de cailloux que chez son voisin. Si les vins sont là aussi charpentés, ils rentrent dans l'assemblage du Moulin-à-Vent « classique » en compagnie de 10 autres parcelles, toutes situées dans le même secteur, en bas de coteau, sur des sols de sables granitiques plus ou moins argileux.
Nous parlerons rapidement des Beaujolais-Villages qui comme bien souvent ici ne sont séparés de l'AOC Moulin-à-Vent que par un chemin. Enfin, il faut bien une limite ! Comme le nom de la cuvée l'indique c'est à La Sambinerie et donc tout proche du domaine que ce dernier prend naissance. Sans une vinification volontairement axée sur le fruit, nous aurions là un vin de même gabarit qu'un Moulin (même terroir, vignes de 60 ans).
A noter que l'ensemble des vignes de Richard se situent dans un secteur particulièrement précoce (sans doute le plus précoce de tous les crus), qu'il est particulièrement sensible au gel et également à la grêle (il a grêlé 5 années sur 7...).
- Le travail à la vigne :
L'agriculture biologique demande beaucoup d'efforts et Richard ne compte pas ses heures pour maintenir ses vignes dans le meilleur état, surtout sur un secteur sensible aux maladies et où les vignes souffrent de la concurrence de l'herbe en raison de sols très pauvres. Le travail du sol est effectué entre 4 fois les années sèches et 7/8 fois les années où il y a beaucoup d'herbe (2013 par exemple).
Une chance que les sols ressuient bien et permettent de rentrer en tracteur peu de temps après les pluies. Seul Champ de Cour est plus délicat en raison de la proportion d'argiles et c'est pourquoi il le laboure depuis 2013 au cheval.
L'herbe repousse déjà depuis le dernier labour
Les vieilles vignes en gobelet n'aident pas à travailler les sols, il y a souvent de la casse, surtout dans les secteurs où elles sont basses avec des cornes en tous sens. Mais l'avantage c'est qu'elles sont peu touchées par l'esca.
La taille pratiquée est très classique, courte en gobelet à 6/8 yeux. Le port reste libre. Un ébourgeonnage est effectué afin de limiter les rendements. Les défenses de la plante sont renforcées avec des tisanes et purins de plantes. D'ailleurs, Richard sans être un « intégriste », fait un peu de biodynamie en se fiant au calendrier lunaire et en utilisant de la poudre de silice par exemple.
Tous les traitements sont depuis 2012 (et bien avant officieusement) à base de produits certifiés en agriculture biologique.
- Le travail en cave :
Convaincu du bienfait de la rafle qui « donne toute sa dimension à un Moulin-à-Vent », Richard vinifie uniquement en grappes entières, même les années difficiles. Il fait partir en fermentation très vite (pas de macération pré-fermentaire à froid), en levures indigènes sauf sur Les Burdelines où il a toujours des soucis et il qu'il est donc obligé d'ensemencer pour l'instant.
Les Moulin-à-Vent sont vinifiés en semi-carbonique, avec une macération de 12 à 20 jours (à température modérée, 28-30°). Les vins sont « grillés », avec 2 remontages par jour au départ puis 1 seul ensuite. Le pressurage est léger, les vins sont ensuite élevés en vieux foudres et en fûts de chêne de 3 à 10 vins (100% fût pour Champ de Cour). L'élevage dure 6 à 8 mois pour la cuvée classique et Dernier Souffle, 12 mois pour Champ de Cour.
Les élevages sont parcellaires en grande partie, l'assemblage se faisant 1 mois avant la mise. Il goûte tous les lots et décide ensuite lesquels rejoindront dans la cuvée classique. Son souci vient du volume des cuves, les plus petites faisant 50 hl, ce qui limite son travail parcellaire. Il lui faudrait des cuves plus petites pour vinifier ces climats de manière plus précise.
Le sulfitage est minimal et une légère filtration tangentielle est réalisée, sauf pour Champ de Cour qui n'est pas filtré.
Le Beaujolais-Villages rouge est traité en macération carbonique pour exalter le fruit et réduire la structure tannique. 2 remontages sont toutefois effectués en fin de fermentation, ce qui rend le vin moins typé carbo que chez les puristes. Le vin est ensuite élevé en foudres 4 mois et stabilisé par filtration kieselghur.
A noter que Richard produit également des vins rosés et pétillants sur sa parcelle de Beaujolais-Villages, 2013 étant le premier millésime où il en vinifie en rouge (2 000 bouteilles seulement).
- Les vins et les millésimes :
Les vins de Richard ont une vraie personnalité, ce sont des vins terriens, denses, structurés. On retrouvera plus d'élégance et de fruit sur la cuvée classique, qui un vin de demi-garde (apogée à 5 ans sur un millésime classique), plus de droiture et de minéralité dans Dernier Souffle, qui sera à son meilleur à 6/7 ans et enfin plus de charpente et de longueur en bouche sur Champ de Cour, véritable vin de garde à n'ouvrir qu'après 8/10 ans de bouteille.
Dégustation du premier millésime de Richard
Le millésime 2012, délicat bien sûr, a donné peu de vins (25 hl/ha en moyenne, seulement 7 hl/ha en Champ de Cour qui n'a pas été isolé du coup). La trame aromatique est différente des autres années (noyau de cerise, kirsch), les vins sont toutefois mûrs, la rafle leur a donné une structure correcte et l'élevage a arrondi les tannins. Ils se boiront toutefois assez vite (dans les 6 ans).
Le millésime 2013 est très réussi chez Richard, qui grâce à ses terroirs précoces (vendanges à partir du 29/09) a pu récolter des raisins bien mûrs avant les pluies de début Octobre et l'arrivée de la pourriture. C'est un millésime classique avec une texture de bouche harmonieuse, charnue et dense ; les vins sont fruités et épicés à souhait.
Dossier réalisé à partir des 2 visites au domaine effectuées les 12 Mai (prises de vues dans les vignes) et 27 Août.